Ma mission est de tuer le temps et la sienne de me tuer.
On est parfaitement à l’aise entre assassins.

- Emil Michel Cioran.

Activités accélérées, culte de l’urgence et de la performance, développement des moyens de communication qui permettent d’être joints partout et à tout moment, tout aujourd’hui favorise cette impression et ce sentiment de manque de temps !

 Le Temps ?

Le mot « temps » provient du latin tempus, lui-même dérivé du grec temnein, couper, qui fait référence à une division du flot du temps en éléments finis. Il est à noter que temples (templum) dérive également de cette racine et en est la correspondance spatiale (le templum initial et la division de l’espace du ciel ou du sol en secteurs par les augures). Enfin, « atome » (insécable) dérive également de temnein.

Philosophes, scientifiques et hommes de la rue ont bien souvent des vues différentes sur ce qu’est le temps, et les progrès des uns influencent les autres depuis des siècles.

La psychanalyse et la psychologie apportent également des éléments nouveaux au XXe siècle.
Un questionnement profond s’est porté, dans toutes ces disciplines, sur la « nature intime » du temps : est-ce une propriété fondamentale de notre univers, ou plus simplement le produit de notre observation intellectuelle, de notre perception ?
La somme des réponses de chacun ne suffit évidemment pas à dégager un concept satisfaisant et juste du temps, d’autant que ce questionnement est aporétique.

De fait, la mesure du temps a évolué et cela ne fut pas sans conséquence sur l’idée que les hommes en eurent au fil de l’histoire.
De rudimentaire qu’elle était aux premiers âges, sa mesure a gagné aujourd’hui une précision reposant sur l’atome. Ses progrès irréguliers sont donc à relier directement aux transformations du concept « temps ».
Ses retombées ont affecté bien plus que la simple estimation des durées : la vie quotidienne des hommes s’en est trouvée changée bien sûr, mais aussi et surtout la pensée, qu’elle fût de nature scientifique, philosophique ou encore religieuse...

Savez-vous ce qui est essentiel ou accessoire pour vous au niveau du temps ?
Petit passage en revue des principales lois sociologiques :

 1. Loi de Douglas

Plus on dispose de place, plus on l’utilise.
Et on amasse, on empile...
(corollaire : plus on a de temps... plus on l’utilise...)

Un bureau (une pièce, sa maison) rangé, permet un gain de temps pour accéder aux informations et évite la perte (ou l’égarement) de documents importants.
Le mot d’ordre : chaque chose à sa place...

Clair dans son espace, clair dans sa tête !

 2. Loi de Pareto

(Enoncée par l’économiste Vilfredo Pareto, 1848-1923, cette loi est issue de la constatation que 20% de la population concentrait 80% des revenus.)

20 % du travail effectué produit 80 % des résulats.

Quatre règles d’or sous tendent cette loi :

  • se focaliser sur l’essentiel,
  • hiérarchiser ses priorités,
  • savoir dire « non »,
  • déléguer efficacement.

L’enjeu est de bien dissocier l’urgent de l’important...

 3. Loi de Parkinson

Loi de la dilatation.
Tout travail tend à se « dilater » pour remplir tout le temps disponible.

(En 1958, le professeur C.Northcote Parkinson explique que plus on affecte de ressources à une tâche plus le travail a tendance à se diluer et à durer.)

Si vous disposez d’une heure pour effectuer une tâche, vous pouvez être sûr que vous allez l’utiliser pleinement... voir la dépasser !
Il convient donc de décomposer ses activités en micro-tâches, en se fixant des échéances pour chacune d’entre-elles.

Il faut fonctionner sous forme d’objectifs, plutôt que sous forme de tâches à accomplir...

 4. Loi de Murphy

Toute chose prend plus de temps que l’on avait prévu, rien n’est aussi simple que ce que l’on peut imaginer au départ.

Cette loi nous vient de l’US Air Force en 1949. Elle s’appelle aussi la loi de l’emmerdement maximum.
Une tâche prend toujours plus de temps qu’on ne se l’imagine, et ce qui peut tourner mal tournera mal !
L’imprévu peut tout de même, dans une certaine mesure, devenir prévisible...

Anticipez en gardant une marge de manœuvre de 30% pour les imprévus !

 5. Loi de Laborit

Loi du moindre effort : l’homme est doté d’un programme de survie qui lui fait fuir le stress et rechercher en priorité le plaisir.

Vous traînez les pieds devant une tâche stressante ou difficile ?
Efforcez-vous de commencer par elle !
Une fois la mission réalisée, accordez-vous une récompense (bien méritée) comme une pause café par exemple.

Il faut savoir se récompenser pour un effort fourni...

 6. Loi de l’Ecclésiastique

Encore appelée Loi de l’alternance : il existe un temps pour chaque chose sous les cieux...

Cette loi est ainsi nommée en référence au titre d’un des livres canoniques de l’Ancien testament où l’on trouve des opinions opposées les unes aux autres comme si l’auteur s’était proposé à lui-même des objections et des doutes pour mieux les discuter.

Concernant le temps on peut y lire des maximes telles que :

  • Il y a un moment pour tout et un temps pour chaque chose.
  • Il y a un temps pour s’organiser et un temps pour exécuter.
  • Il y a un temps pour le travail et un temps pour le loisir.
  • Il y a un temps pour parler et un temps pour se taire…

La loi de l’Ecclésiaste nous apprend simplement qu’il faut trouver le moment qui convient à chaque activité, ne faire qu’une chose à la fois et bien la faire en s’y consacrant totalement et savoir faire des choses différentes à des moments différents.
Aussi, dans la mesure du possible, attelez-vous aux tâches complexes ou rébarbatives au moment de la journée où vous êtes le plus en forme.

Le temps qui passe est le lieu et l’espace de notre vie et c’est n’est que la façon dont nous l’occupons qui peut lui donner du sens.

 7. Loi de Carlson

Ou encore Loi des séquences homogènes : tout travail interrompu en cours de route sera moins efficace et prendra plus de temps que s’il était effectué en continu.

Les questions à se poser sont donc : combien de temps ai-je à consacrer à une tâche sans l’interrompre, et à partir de quelle charge de travail est-ce que je deviens improductif ou distrait ?

Les principes qui découlent de cette loi sont de persévérer sans s’obstiner, de lutter contre l’activisme improductif et le perfectionnisme extrême, et d’être conscient de ses limites.
Mais aussi de savoir s’arrêter pour faire autre chose…

Limitez les interruptions, et prenez des rendez-vous avec vous-même pour traiter les questions de fond !

 8. Loi d’Illich

C’est aussi la Loi de l’efficacité décroissante : au-delà d’une certaine durée, on devient moins productif, voir contre productif.

En marge de ses travaux sur l’éducation, Ivan Illich a adapté l’approche des économistes classiques sur les rendements décroissants à l’activité humaine.
Ainsi, au-delà d’un certain seuil, l’efficacité humaine décroît, voire devient négative. Cela signifie qu’en doublant la quantité de travail, on ne double pas pour autant la productivité.

Le stress peut être moteur jusqu’à ce qu’il grippe la machine et la rende contre-productive.

Faites des pauses, car le temps de concentration maximum est de l’ordre de 45 minutes en moyenne...

 9. Loi de Swoboda-Fliess-Teltscher

Encore dénommée Loi des rythmes biologiques.

La société connaît des biorythmes liés à la saisonnalité des activités, du rythme des congés scolaires, fêtes et jours fériés, etc.
Ils s’ajoutent aux rythmes biologiques vécus par l’être humain qui connaît plusieurs cycles d’énergie selon les saisons et les heures d’ensoleillement, mais aussi dans la journée : généralement un meilleur rendement le matin, un nouvel élan en fin d’après-midi, la nécessité d’avoir des pauses et de se restaurer tout au long de la journée.

Nous devons être conscients des rythmes qui concernent notre entreprise, notre couple ou famille, nos amis, mais aussi de nos propres rythmes biologiques ( sommeil, faim, énergie, concentration …), pour trouver le meilleur compromis.

Prétendre rompre ces équilibres est un leurre que le système de l’organisation comme notre propre organisme ne nous autorisera pas longtemps.
Le corps social comme le corps biologique ont des moyens de se rappeler à nous quand on les respecte pas.

Se respecter dans son intégrité physique et morale et veiller à se maintenir en bonne santé est un des premiers principes d’une bonne gestion du temps !
Facile, non ?

 10. Loi de Fraisse

C’est aussi La loi de la dimension subjective du temps

Le temps a une dimension objective et une dimension subjective ou psychologique qui varie en fonction de l’intérêt personnel à l’activité exercée.
Plus une activité est morcelée ou morne, plus elle paraît durer longtemps.
Plus une activité est intéressante, plus elle paraît brève.

Par exemple le temps d’une attente est toujours trop long, les moments de plaisir, eux, toujours trop courts.

Les principes découlant de cette loi sont de se méfier :

  • de notre tendance spontanée à faire d’abord ce qui nous plaît plutôt que ce qui est le plus important,
  • de notre estimation du temps passé à une tâche.

Il faut donc confronter notre évaluation subjective du temps à des paramètres objectifs car nous avons naturellement tendance à passer plus de temps sur ce qui nous plaît et à le faire en priorité et à remettre ce qui nous déplaît.
Ce qui empire souvent la situation !

 Comment mettre ces lois en application ?

  • Réalisez votre autodiagnostic

    Peu ou proue vous appliquez une à deux règles parfaitement.

    Faites le point sur votre rapport au temps au travers des lois décrites. Vos proches et collègues pourront vous aider à avoir une approche objective de la situation.

    Puis donnez-vous une loi du temps complémentaire à celles déjà acquises, celle qui vous apparaît comme la plus utile pour vous.
    Petit à petit, intégrez les lois les unes après les autres...
  • Passez à l’action

    Changer les habitudes demande du temps (!) et de la méthode.
    Donnez-vous un délai de 15 jours à un mois pour réaliser votre objectif.
    Commencez par dresser une liste des actions qui vont dans le sens de la loi du temps choisie et réalisez ces actions.

    Si vous n’avez jamais été un pro du rangement et que votre bureau ou appartement fait figure de capharnaüm la liste d’actions pourrait être la suivante :
    - Trier
    - Jeter (donner ou vendre) l’inutile
    - Classer ce qui reste et qui vous sert
    Au terme du délai imparti, vous devez avoir réalisé ces actions.
    Au delà de l’efficacité, ranger nous renvoie une bonne image et un sentiment de confiance tant pour soi que pour les autres.
  • Consolidez

    Les mauvaises habitudes reprennent vite le dessus !
    Alors comment faire pour capitaliser vos efforts ?

    En ce qui concerne le rangement, vous pouvez prendre en photo votre bureau impeccable. Et chaque fois qu’il est dérangé, en vrac, sortez la photo pour vous rappeler à l’ordre... simple et efficace !

 Une aide : La Matrice d’Eisenhower

La matrice d’Eisenhower est un outil de classification méthodique des priorités et d’appréciation des urgences, permettant la gestion et la régulation des activités ainsi que la préparation de la délégation.

Elle a comme finalités :

  • d’apprécier les tâches à accomplir en termes de priorité
  • de permettre de se consacrer aux tâches pour lesquelles on a le plus :
    - de compétences
    - de temps
    - de pression (stress)
  • d’identifier les tâches à déléguer
  • de gérer les capacités disponibles en cas de surcharge
  • de limiter la dégradation de la qualité des prestations en cas de surcharge

Ses domaines d’application sont :

  • l’organisation du travail personnel
  • le recensement des différentes catégories de tâches personnelles
  • la gestion des perturbations
  • la gestion des objectifs personnels
  • la gestion par délégation

Mode d’emploi :

  • Mise en place
    - Recenser l’ensemble des tâches à accomplir
    - Identifier les collaborateurs ou sous-traitants
    - Identifier le temps disponible (par jour, par semaine…)
    - Recenser les tâches et engagements fixes
  • Construction de la matrice
    - Représenter une matrice à quatre éléments (2 lignes et 2 colonnes) suivant les deux axes :
    · Axe horizontal : degré d’importance des tâches
    · Axe vertical : degré d’urgence des tâches
    - La matrice comprend les quatre zones suivantes :
    · Zone A : Forte importance / Forte urgence
    Tâches à exécuter immédiatement et soi-même
    · Zone B : Forte importance / Faible urgence
    Fixer une échéance, déléguer ou faire préparer, planifier dans le temps en sous-objectifs intermédiaires.
    Tâches pour lesquelles il est possible d’attendre ou de déléguer
    · Zone C : Faible importance / Forte urgence
    Faire après les tâches des zones A et B, sinon dialoguer pour vérifier l’urgence, déléguer ou laisser courir (l’urgence disparaît souvent...)
    Tâches à exécuter soi même ou à déléguer rapidement
    · Zone D :
    Tâches à laisser tomber
  • Utilisation de la matrice
    - Répartir les différentes tâches isolées à l’étape « mise en place » dans les quatre zones ainsi déterminées, suivant l’analyse de deux critères : l’importance et l’urgence.

Modèle de matrice :

Secondaire
Urgent
Tâches groupe C

Tâches urgentes mais moins importantes que A

A exécuter ou déléguer rapidement

Tâches groupe A

Tâches importantes et urgentes

A exécuter soi-même immédiatement

Non urgent
Tâches groupe D

Tâches inutiles

A laisser tomber

Tâches groupe B

Tâches non urgentes mais importantes

Peuvent attendre ou être déléguées

Avantages :

  • Facile à utiliser
  • Oblige à lister les tâches et les priorités
  • Permer de chasser les activités chronophages
  • Permet le classement rapide des tâches par catégories d’urgence et d’importance
  • Facilite la délégation des tâches
  • Diminue le stress
  • Réduit les coûts cachés générés par la non qualité
  • Permet d’avoir une meilleure adéquation entre les tâches et les intervenants

Inconvénients :

  • Peut privilégier une approche à court terme des tâches et de leur importance
  • Privilégie l’opérationnel à la stratégie
  • Simplificateur dans la classification des tâches
  • Très subjectif
  • Risque d’accumulation des tâches non urgentes

 En conclusion

Le temps est le capital le plus rare, et si on ne sait pas le gérer, alors on ne peut rien gérer d’autre.
- Peter Drucker

Nous ne manquons pas de temps, mais nous en avons beaucoup dont nous ne savons pas tirer profit.
- Sénèque

Le temps n’a pas de rive. Il coule et nous passons.
- Lamartine

Rien n’est plus long et rien n’est plus court. Rien n’est plus lent et rien n’est plus rapide. Tous les Hommes le négligent et tous en regrettent sa perte. Qui suis-je ?
Voltaire dans Zadig

On s’attachant à une perspective philosophique, l’instant est le produit de la projection du présent dans la série successive des temps, c’est-à-dire que chaque instant correspond à un présent révolu.
Le présent lui-même est cependant à son tour (en retour ?) une abstraction, puisque nous ne vivons jamais un présent pur, réduit à une durée nulle.
Le passé est l’accumulation, ou plutôt l’organisation des temps antérieurs, selon des rapports chronologiques (succession) et chronométriques (les durées relatives).
Le futur est l’ensemble des présents à venir. Seuls les contenus à venir, les événements futurs, sont susceptibles d’être encore modifiés. C’est ce qui fait que l’avenir n’est pas encore.

Voici encore quelques principes... pleins de bon sens :

  • Il faut réfléchir avant d’agir. Il faut garder une vue d’ensemble (position de l’aigle) de la situation avant de partir dans l’action (position de la fourmi).
  • Ne pas remettre à plus tard les décisions à prendre ou une mission à accomplir. Privilégier l’action immédiate.
  • Affecter un ordre de priorité aux tâches à accomplir en évaluant pour chacune leur degré d’urgence et d’importance.
  • Le travail programmé chasse les activités qui ne le sont pas. Les gens qui ont des objectifs utilisent ceux qui en n’ont pas.
  • Alterner les tâches de natures différentes en fonction de votre capacité intellectuelle ou physique durant la journée. On est plus efficace le matin que le soir.... ou l’inverse.
  • Evitez de commencer plusieurs choses à la fois et de vous disperser. Regarder votre TODO List pour vérifier l’avancée de vos travaux. C’est tellement agréable de pouvoir biffer une tâche terminée.

Un simple calcul le confirme :
Gagner 30 minutes par jour c’est arriver à se donner 3 semaines par an de temps disponible...
Qu’en feriez-vous si vous les aviez ?

Alors... savez-vous maintenant ce qui est essentiel ou accessoire pour vous ?

P.-S.